Message à Philippe MEIRIEU
J’avais envoyé un message sur le blog de Xavier DARCOS, dès que j’avais su sa nomination comme ministre de l’Education Nationale. Trop tard! Son blog venait de fermer!
Bouteille à la mer, perdue dans l’océan!
J’envoie aujourd’hui ce message à Philippe MEIRIEU. Il est à la fois plus accessible (géographiquement) et plus proche de nos préoccupations. Souhaitons-le!
« Bonjour Mr Meyrieu,
Je viens de lire votre éditorial en 5 points sur cette rentrée scolaire et il me semble que notre école, de par sa situation particulière, en soit l’exemple emblématique.
Je vous avais croisé en 2000, lors de ma formation en Sciences de l’Education. Une étudiante de 49 ans! Finalement, j’avais passé le concours PE (grave erreur, mais ça c’est une autre histoire!)Cette plongée dans le monde universitaire fut très instructive à bien des égards!
Revenue dans mon école de Brignais, dite en zone sensible et de grande mixité sociale( ce qui en fait sa richesse) j’ai continué à monter des projets avec mes collègues.Le dernier en date a existé en grande partie grâce à des circonstances qui n’ont que peu à voir avec les moyens de l’éducation nationale si ce n’est une situation imposée : 15 élèves non lecteurs arrivant dans un CE1! L’amitié de trois collègues et le temps supplémentaire alloué par les deux autres (à 1/2 temps)…ont été le socle qui a permis de mener à bien ce projet. Le site que nous avons fait en porte témoignage. http://ce1jmb.free.fr
Après 4 ans de collaboration, le départ de l’une d’entre nous, (pour raison personnelle) n’aurait dû causer qu’une redéfinition du projet et une nouvelle dynamique. Malheureusement, en cette rentrée très difficile, l’administration l’a fait voler en mille morceaux. A 54 ans, pour la première fois, je me retrouve genou à terre! Pas pour longtemps, j’espère, …mais quand même!
Immergées dans nos classes mais aidées par les nouvelles technologies (on communique et on fabrique beaucoup par internet)…nous avons élaboré le projet, nous l’avons fait vivre et évoluer…avec des innovations, comme les sons en couleurs et le dictionnaire de la mémoire. Cependant, nous n’avons pas eu le temps de développer tous ses aspects dans un mémoire, par exemple, ni fait le bilan! On s’en rend compte avec l’arrivée de nouvelles personnes dans nos classes, qui prennent le projet en marche. On ne peut pas être au four et au moulin…et notre site a servi de passerelles pour laisser quelques pistes…nous voulons aussi alimenter les forums.
Avec + de 27 000 visiteurs, nous avons des contacts passionnants avec des collègues dont certains « chercheurs de terrain »…ce qui nous encourage beaucoup : notre vision pédagogique, concrètisée avec les sons en couleurs ou le dictionnaire de la mémoire (projet de notre EVS, auteur et calligraphe ….qui s’en va bientôt) en sont les moteurs.
Aujourd’hui, pour répondre au bouleversement de notre projet…il nous faut le valoriser, en faire le bilan. Il pourrait apparaître comme un projet pilote vu notre situation originale , s’il survit au manque de moyens!
En effet, le problème de notre école est qu’elle est située dans l’ouest lyonnais, que le collège ne peut pas être en ZEP. Nous survivons grâce à une équipe (qui commence à s’épuiser après 25 ans de lutte ,12 pour moi) et à des familles qui se mobilisent. Avoir des familles, venant des sans abri de l’Abbé Pierre mais aussi des couches sociales supérieures…permet de garder un dynamisme certain, mais les parents sont très inquiets et beaucoup veulent prévoir le déséquilibre annoncé!
Mon arrêt maladie a eu un effet destabilisant. Le directeur l’a annoncé en disant « Nous avons le regret de vous faire part de l’arrêt maladie… » j’ai cru que j’étais morte!!!Je suis considérée comme « un roc », connue aussi pour avoir dirigée plusieurs associations sur la commune. Je viens du monde de l’entreprise et j’ai fait « mes classes » à Vénissieux et Vaulx en Velin.
Evidemment, je ne vais pas y laisser ma santé et tout le monde m’encourage à me reposer. Cependant,je n’ai pas dit mon dernier mot (AGIR ou SUBIR)…il me faut donc rebondir!
Ma collègue a fini aux urgences, jeudi matin…à force d’essayer de tout tenir à bout de bras. Mais l’administration nous dit interchangeables..il y a quelqu’un ! Les parents et la mairie qui nous connaissent bien se mobilisent. Même mon mari (qui était gestionnaire dans de grandes entreprises) a piqué sa colère (il a tenu 30 ans) de voir une administration traiter des enseignants de la sorte. On nous demande de faire de la remédiation, des PPRE…et quand on anticipe ..on nous explose…apparemment par ignorance!
Si je vous écris, c’est parce qu’il me semble que vous êtes attentif à la réalité du terrain.J’attends votre avis, vos conseils, un regard compétent en dehors des structures rigides de l’EN. Ce qu’il nous faudrait, c’est démontrer les besoins nécessaires à des projets comme le nôtre, au sein de l’éducation nationale.
A moins qu’il n’y ait rien à faire..juste survivre.
Bien cordialement »