Question de conscience. avril 2007
Mardi soir, quelques représentants de l’école, enseignants mais aussi parents, seront reçus à l’Inspection Académique. L’école a demandé cette audience comme une bouteille à la mer, c’est à dire sans trop y croire, mais si l’on ne fait rien, si l’on a plus d’espoir, alors…
La classe de Clin qui s’occupe des primo-arrivants est supprimée.
Que deviendront ces élèves étrangers? Ils seront répartis dans les classes selon leur âge. Raison, enseignant sous employé! Traduire, non rentable du point du vue mathémétique ! Un enseignant pour 3 à 10 élèves, selon des arrivées imprévisibles, alors que les quotas sont de 25!
Seulement voilà, ces élèves sont de toutes origines et de tous âges. A l’enseignant de leur apprendre le français et de les intégrer dans la classe de leur âge et tout ceci en un an.
C’est un travail très difficile, très pointu, très exigeant qui demande un grand professionnalisme. Notre collègue l’exerce depuis 17 ans et nous travaillons sans cesse en partenariat avec elle. Quand elle a moins d’élèves, elle reprend des élèves en difficulté de nos classes pour un coup de pouce ou une vraie remise à niveau. Mais cette deuxième mission n’est pas prise en compte par l’administration. pourquoi?????
C’est ce que nous allons lui demander.
On essaie de mettre au profit des élèves toutes les forces vives de l’école, toutes les énergies des enseignants et au lieu de soutenir ces initiatives, l’administration nous coupe l’herbe sous le pied.
Mais peut-être ne le sait-elle pas?
On va se déplacer pour le lui dire.
En ce moment, on entend de belles promesses sur l’école : et même comment va-ton faire? (site d’Alexandre Jardin Comment on fait?)
Mais venez donc voir, comment on fait en ce moment…depuis des années!
Paroles, paroles et pendant ce temps les actes sont bien réels et des postes sont supprimés, des élèves abandonnés, parce qu’il est impossible de toujours faire plus avec de moins en moins de moyens, au nom d’une rentabilité peut-être juste sur un papier dans un bureau, mais profondément injuste dans la réalité d’un élève qui a besoin de plus de temps et surtout de personnel qualifié et disponible.
Des postes supprimés par qui? Une administration qui continue à avancer sur une logique qu’on dit financière….
Administrativement, on donne suite à une demande d’audience. dommage que ce ne soit qu’une procédure de plus pour donner une réponse qu’on connaît déjà à l’avance : décision venant d’en haut…, rapport statistique établissant que…, budget supprimé en raison de …
Et pourtant, il y a la déclaration des Droits des enfants, notamment à la scolarité….cependant, il manque une partie importante qui doit donner existence à cette belle déclaration. Comme une pièce a obligatoirement deux faces pour exister, un droit ne peut exister sans le devoir qui va avec!
Les droits des enfants sont des paroles creuses, si les devoirs des adultes ne sont pas là pour les défendre.
Comment un élève en difficulté peut-il se défendre si un adulte n’est pas là pour prendre la parole à sa place.
En ce moment, une affiche attire notre regard : un enfant baillonné, le regard suppliant et une phrase : » s’il ne peut pas parler, faites-le à sa place ».
C’est pour les droits de l’enfant à ne ….pas être battu!
Bien sûr, l’Ecole ne bat pas les enfants…quoique certains voudraient y revenir!
Bien sûr, l’Ecole n’est pas tortionnaire, ce mot est vraiment trop fort…mais comme les violences psychologiques sont moins visibles que les violences physiques….dès que l’on enlève des moyens à l’élève de réussir, on le maltraite aussi.
Une société et à travers elle, l’institution scolaire, qui non seulement n’aide pas les enfants dont elle a la responsabilité, mais les prive de leurs droits, est pour moi, une société suicidaire!
Or, que doit faire un adulte normalement constitué devant une telle dérive ; appeler au secours, faire tout ce que sa conscience lui crie dans les oreilles.
Autour de nous, beaucoup d’enseignants nous prédisent : casse-cou!
Deux raisons essentielles : de toute façon, « ils » ne peuvent rien, « ils » sont juste un relais des décisions. Au mieux, « ils » déshabilleront Pierre pour habiller Paul!
La seconde tient à l’organisation hiérarchique à sens unique : ne pas se faire mal voir! D’ailleurs, « ils » nous l’ont déjà dit : on ne veut plus entendre parler de vous!
Casser le cercle vicieux est de sucroît mal vu : pas de problèmes signalés, donc pas de problèmes, donc on continue à enfoncer l’épée.
Mais moi, ces regards d’enfants, je les ai devant moi tous les jours. Mon métier, ma vie n’aurait aucun sens si je ne faisais rien! Alors, on a demandé une audience à notre hiérarchie pour parler de notre réalité, pour que l’on ne continue pas à retirer des enseignants spécialisés..alors que la logique nécessiterait au contraire, qu’on en augmente leur nombre!
« Si vous sauvez un enfant, vous sauvez l’humanité »
Je ne sais plus qui a dit ça, et je ne sais pas si je sauve qui que ce soit, en tout les cas, j’essaie.
Question de conscience!