DEMI-COUSINES livre témoignage

Chapitre 1 : Condamné à vie!

Quand Hélène pénétra dans le bureau de son mari, elle fut surprise par l’obscurité qui y régnait  et sursauta d’autant plus  en entendant un froissement de papier.

Mais qu’est ce que tu fais dans le noir Jean-Baptiste ?

Tout doucement pour ne pas s’éblouir, Jean-Baptiste tourna le bouton du variateur de sa lampe de bureau. Il était  assis devant un bloc, son stylo au bout des doigts au dessus de son chéquier.

  • Je suis en train de faire le chèque pour « ta copine »

C’était  toujours une façon de dédramatiser ce rituel qui évidemment ne faisait rire personne.…

  • Comme tous les mois, reprend-il, 685 euros  jetés par la fenêtre ! 35 ans que je lui envoie ce chèque, je n’ose même plus  faire l’addition ! Il va bien falloir que ça s’arrête un jour !

Oui, mais comment ? Car il le savait bien,  il devra faire ce chèque à vie, pour toute la vie de son ex-épouse. Il avait accepté de verser une rente viagère à son ex-épouse, lors de leur divorce. Divorce à l’amiable avec un seul avocat pour faire des économies…

Des économies ?  Pour qui ? Voilà 38 ans qu’il paie une rente à son ex-épouse, par ailleurs remariée ! Et avec l’espérance de vie des femmes, il en a encore pour au moins 20ans !

Où est-il  écrit que parce que vous avez été mariés 10 ans, vous devrez continuer à entretenir votre ex-épouse jusqu’à sa mort, et dans le cas présent pendant 60 ans ?

En 1980, ils avaient une trentaine d’années tous les deux, deux jeunes enfants et un mariage qui s’effilochait. Alors d’un commun accord ils avaient décidé de divorcer. Nous étions en 1980 et les lois de 1975 avaient assaini les conditions du divorce.

Alors qu’avant cette date, les divorcés, comme dans la chanson de Michel Delpech devaient s’envoyer des injures, car seul le divorce pour faute existait, dès 1975, il suffisait de se mettre d’accord et  de prendre un seul avocat, donc moins de frais pour  établir leur convention de divorce. Convention ensuite entérinée  par le juge s’il l’estimait valable.

Le divorce à l’amiable entrait dans les mœurs qui se libéraient en ce début  des années 70. Et ils furent des milliers de couples en déshérence à profiter de cette opportunité.  Cet afflux fut sans doute l’un des éléments qui fut déterminant dans la catastrophe annoncée, surtout pour ces divorcés à l’amiable. Un vrai paradoxe : un de plus, dans ce drame familial.

Car évidemment, Jean-Baptiste divorçait et, comme l’indique la loi, il n’aurait plus de lien avec  son ex-épouse : le divorce met fin au devoir de secours entre les époux.

FAUX !!! leur jugement de divorce dira le contraire et il ne s’en apercevra que très tard, à la majorité des enfants quand les conditions de paiement des pensions  alimentaires pour les enfants et de la prestation compensatoire pour madame apparaîtront  vraiment séparément.

En 1980, Jean-Baptiste avait 32 ans, aucun patrimoine et démarrait sa carrière de cadre. Leur fille était née quelques mois seulement après leur mariage et sa femme Ginette, pourtant diplômée comme lui avait décidé de rester à la maison pour s’en occuper  Cinq ans plus tard, alors que leur couple traversait une première crise, un garçon était venu  consolider le cadre familial mais seulement le cadre, l’apparence car les liens du couple se distendaient.  De plus en plus investi dans un travail dévoreur de temps, Jean-Baptiste consolidait sa carrière pour apporter confort et sécurité à sa famille. Ginette restait à la maison et s’occupait en faisant quelques remplacements de décoratrice d’intérieur.

Si Jean-Baptiste avait compris à quoi il s’engageait, il n’aurait évidemment  jamais accepté un tel engagement ! Bien sûr, il ne s’agit que de la prestation compensatoire pour son ex-épouse. Les pensions alimentaires pour les enfants sont à part.

Comment est-il possible qu’un juge condamne (et le mot est-il bien choisi pour quelqu’un qui n’a commis aucune délit) à une peine de plusieurs dizaines d’années ? C’est 20 ans plus tard, au moment de l’évolution des pensions alimentaires pour ses enfants pour leurs études que le couperet tomba !

En fait il était tombé dès le début, mais il était impossible de le savoir. Jean-Baptiste avait toujours cru payer une pension alimentaire à son ex-épouse, même si, au moment de la convention définitive, le mot avait changé : pension alimentaire devenait prestation compensatoire pour l’ex-épouse. Ce n’était qu’un changement de nom selon l’avocat unique que leur avait conseillé un ami. Rien de quoi s’inquiéter !

Avec le recul, on se dit, mais que n’ai-je pas insister ? Bien sûr, si ce n’est pas le même mot, ce n’est pas la même chose, les  mêmes conséquences et de façon aussi démesurées !

Le mariage, c’est de l’émotion et des flonflons ! Qui écoute le premier magistrat de la ville, le maire ou son représentant lire les articles de loi qui encadrent les conditions du mariage.

Le divorce, c’est de l’émotion mais surtout  des sueurs froides ! Qui a envie d’aller dans un tribunal, d’être devant un juge  et de devoir justifier de sa vie privée devant  lui ?

Pour la plupart des citoyennes et des citoyens, c’est la première fois qu’elles et qu’ils pénètrent dans un tel monument, construit d’ailleurs pour impressionner, et là , il faut le reconnaître, le but est atteint.

Comme on n’a jamais eu affaire à la justice, on n’a pas d’avocat, on n’est pas un  magnat de quoi que ce soit. Alors on regarde les pages jaunes, ou on fait appel à son cercle d’amis, souvent les premiers au courant de notre demande de divorce.

Et on fait CONFIANCE ! Ce sont des professionnels ! Et plus vite on en aura fini, mieux ce sera !

Plus vite…mieux !  Quand 35 ans après, on se retrouve encore  dans le piège, ces mots n’ont plus beaucoup de sens !Alors, on se demande comment on en est arrivé là et on remonte tout le mécanisme.

A quel moment, tout est parti de travers ?

Jean-Baptiste avait étalé ses deux conventions : la provisoire ou il était écrit pension alimentaire et celle ou le mot avait changé et était devenu prestation compensatoire. Le piège s’était refermé : il venait de se condamner à vie!

 

 

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