MA VIE DE MAITRESSE

CH 2 : Marianne de ma jeunesse : les années lycée.

 

CH 2 Marianne de ma jeunesse ! Les années lycée.

Quand je dis que je suis allée en sixième au lycée, on me regarde bizarrement…Elle doit se tromper…au collège !

Non, je suis bien allée au lycée ! Et c’est grâce ou à cause de la maîtresse de CM2! Elle a marqué et marquera ma vie et à plusieurs niveaux !

– parce qu’elle m’avait pris en grippe,

– parce que j’ai fait une maladie nerveuse (on ne disait pas dépression à l’époque)

– parce qu’à cause de mes absences répétées, mon carnet scolaire fut trop moyen pour aller au collège,

– parce qu’elle décida de me faire redoubler mon CM2

et que finalement, avec un bon carnet scolaire, j’ai pu aller au lycée, sans passer d’examen d’entrée en sixième (à l’époque, il était indispensable si le carnet scolaire n’était pas suffisant) et en classe latiniste, ce qui était la crème des classes !

On nait plusieurs fois dit-on et cette rentrée en 6eme, en cette année 1964, avec  mon arrivée au Parc Chabrières, m’en donna une preuve extraordinaire. Je peux encore aujourd’hui en y repensant la savourer  par tous mes sens.   Je passais de l’ombre à la lumière : de ce préfabriqué poussiéreux où sévissait cette horrible personnage à un véritable paradis.

Pénétrer dans le lycée, c’était ,tout d’abord, franchir le majestueux portail qui séparait le trottoir bruyant de la ville de ce magnifique Parc, arboré, foisonnant de buissons odorants et égayé par les chants d’oiseaux.

Ce n’est pas un lycée, ce n’était pas le paradis, mais cela y ressemblait souvent. Tous ceux qui ont partagé la chance d’aller dans ce lycée témoigneront que ce lieu était exceptionnel. Après avoir gravi le large escalier en  rondins de bois, on arrivait dans un vaste espace entre une belle maison bourgeoise auréolée d’arbres centenaires et un bâtiment plus récent qui donnait à ce lieu le qualificatif de scolaire. Pas de barrières, pas de limites dans ce bel espace, ouvert sur les allées du parc. De toute façon qui aurait eu envie de s’en échapper. J’allais y passer de belles années de la sixième à la terminale et ma compagne de classe serait Marianne.

A chaque rentrée, c’était  la surveillante générale qui par sa seule présence réglementait avec une autorité naturellement acceptée cette multitude féminine. Je suis rentrée dans une école de filles pour les premières années qui fut élargie, puis envahie et enfin fusionnée avec la gente masculine, 1968 oblige.

Mais en cette première matinée de rentrée, si j’ai parlé de paradis, c’est que j’y ai vu un ange.

Mon regard fut attiré par quelques élèves mais surtout par l’une d’entre elle. Les premiers rayons du matin illuminaient sa longue chevelure blonde et ses quelques mouvements les faisaient s’envoler comme les ailes d’un papillon. Je ne sais pas pourquoi je me suis dirigée vers le groupe qui s’était formé  autour d’elle. Les sixièmes devaient se ranger devant le vieux bâtiment et lorsque la surgé fit l’appel, je me retrouvais dans le même rang qu’elle. Il y avait six Sixièmes et je me retrouvais avec elle.

Le doigt du destin ? En écrivant ses lignes et en connaissant toute la suite de l’histoire, je suis  heureuse de l’avoir cru ou simplement senti. Il se manifestera encore parce qu’ensuite je guettais les signes et que je pense j’y attribuais un sens, comme celui d’un jeu de piste : l’aventure de ma vie !

Le rituel d’appel de cette surveillante générale continua les années suivantes et dès la troisième, elle nous lança un petit regard, que seules nous pouvions capter pour nous assurer qu’une fois de plus nous serions ensemble. La seule interruption eu lieu en 5ème : je devais redoubler et laisser Marianne partir en 4ème. Mes notes en maths avaient chuté et malheureusement, on ne sut pas assez tôt que la  cause en était un besoin impératif de lunettes. Et oui, à cette époque,  pas de photocopies, peu de livres et il fallait recopier les données écrites au tableau. Ne voyant pas bien et ne sachant pas que je voyais mal…la recopie était souvent fausse et mes résultats s’en ressentirent !

Je ne sais pourquoi, mais Marianne redoubla sa quatrième. Nous fûmes de nouveau réunies pour continuer notre chemin scolaire jusqu’à la terminale.

Marianne a été déterminante dans ma vie de lycéenne mais aussi dans le choix de mon métier d’enseignante. Je pense en fait que l’on est destiné à un métier, à nous de savoir celui pour lequel on est fait. Le trouver n’est pas toujours facile et les impasses ou bifurcations sont fréquentes mais quand on croise des personnes qui vont vous aider à le trouver, c’est formidable.

Les signes étaient là évidents : Marianne vivait dans une école dont sa maman était directrice et qui occupait le logement de fonction au dessus des classes. Marianne ne se posait pas la question : très vite, elle ferait comme sa maman et sa sœur qui était aussi enseignante, elle serait instit et directrice d’école, ce qu’elle devint !

Marianne était solaire, joyeuse et communicative : elle commença à faire du théâtre dès la quatrième en tombant amoureuse du prof de théâtre…qu’elle épousera des années plus tard. Moi qui étais, non pas timide, mais très réservée, qui parlais peu, j’ai au fil de toutes ces années, pu m’épanouir, non pas dans le théâtre mais plutôt dans le sport.

De la 6éme à la terminale, mon prof de gym a toujours voulu me convaincre que j’avais toutes les qualités pour être prof de sport. Elle m’emmenait avec ses quatre enfants pour des compétitions. Je fis du basket, de l’athlétisme, de la gymnastique et même du judo dans un club masculin car il n’y en avait pas pour les filles à l’époque.

Oui, j’avais des aptitudes pour le sport mais le niveau demandé était tel qu’il ne me tentait pas. Surtout et c’est quelque chose qui étonnait ma prof, je n’avais aucun esprit de compétition, du genre la gagne à tout prix ! Courir plus vite qu’une autre, sauter plus haut qu’une autre, envoyer le poids plus loin qu’une autre ne m’a jamais, disons juste ennuyée. Pour moi, on trouvera toujours quelqu’un de plus fort ou quelqu’un de plus faible, mais qu’est ce que cela m’apprendra sur moi ?

L’émulation, le fait de se surpasser…oui mais pas  contre les autres. Par contre, avec  les autres, oui. Quel bonheur de faire partie d’une équipe. En athlétisme, j’adorais les courses de relais et notre équipe de basket fit de très bons scores.

Toute ma vie je me suis lancée des défis à moi-même et souvent ils furent difficiles à atteindre mais ils m’ont permis de me construire et d’évoluer. Et là, je pense très fort et je remercie ma prof de philo qui m’a fait gagner des années. Pourquoi courir plus vite qu’un autre ?

« Connais-toi toi même » était le bon chemin.

Tout au long de ses années de lycée, nous avons eu la chance d’avoir des professeurs exceptionnels, certains plus austères, comme notre prof de latin, ou fantaisistes, comme notre prof d’anglais qui était une vraie  caricature avec ses cheveux violets. Certains qui n’avaient rien à faire là, comme ce prof de maths qui repartit vite dans son laboratoire de recherches. Mais tous étaient des guides et mettaient très haute leur mission d’enseignant. Mais aucun d’eux ne m’a donné la vocation…

Comme l’homéopathie, je pense que la vocation s’est instillée en moi, au cours de ces années, car j’ai passé beaucoup de temps à faire mes devoirs avec Marianne au dessus de l’école maternelle. Il se trouve que j’habitais à quelques kilomètres que j’ai le plus souvent parcouru à pied, quelquefois en vélo et encore plus rarement en bus vu qu’il n’y en avait qu’un le matin et un le soir et qu’il ne fallait pas le rater ce qui arriva souvent.

Pour éviter d’arriver après la sonnerie de rentrée, il m’est arrivé plusieurs fois d’arriver haletante  en haut de l’escalier de rondins que j’avais gravi 4 à 4, ce qui était un exploit vue la largeur des marches et d’y retrouver, mademoiselle Bruyère,  la surveillante générale, impériale, les bras croisés nous faisant comprendre que rien en sert de courir… Parfois, on essayait d’emprunter une petite  allée qui sillonnait derrière la grande maison, mais elle nous débusquait aussi !!! Je dis on, car quelquefois c’était la cavalcade. Mais en fait, ce ne fut pas si fréquent seulement le souvenir de la punition reste gravée.

Mlle Bruyère était une ancienne prof d’histoire-géo et nous donnait comme « punition » des cartes de géographie à faire à main levée. Une fois, elle oublia de me réclamer le précieux ouvrage….et il me servit une seconde fois ! Je me souviens d’elle avec tendresse car elle était, comme dit Raymond Devos, sévère mais juste et elle connaissait tout son petit monde. Elle apprit à nous apprécier, Marianne et moi, car nous étions impliquées dans l’animation, Marianne évidemment avec le théâtre et moi-même, entrainée par son énergie, je fus tour à tour, chanteuse, chorégraphe et présentatrice de la fête du lycée. Sans oublier, bien sûr, le rôle, oh combien difficile de déléguée de classe. On disait même chef de classe !

En repensant à  ces années de lycée, comme pour beaucoup de choses, on en garde le meilleur et le pire se transforme en anecdotes. Mais à voir défiler toutes ces années, sans parler du cadre idyllique de ce parc, je ressens une immense gratitude d’avoir pu en profiter car ce furent des périodes agréables et enrichissantes, d’autant plus que j’en avais conscience et que j’en appréciais chaque moment.

Les évènements de 1968 ne firent pas irruption brutalement dans notre lycée comme ils explosèrent dans les villes.  Il n’y eut pas d’information, pas de grève au début, puis l’onde de choc finit par atteindre les plus réticents. Nous étions très loin des infos instantanées d’aujourd’hui. Nous avions la radio mais peu avaient la télé et ce sont les images choc qui interpellent plus que des clameurs et même des explosions !

Quelles en furent les conséquences ? Peu à mon sens à part « l’intrusion » de quelques garçons qui vinrent troubler et distraire le calme de notre lycée de jeunes filles. En fait, des garçons, il y en avait, mais de l’autre côté d’un mur, beaucoup plus haut dans le parc : le lycée technique de garçons qui avait son entrée sur une rue indépendant de l’autre côté du parc.

A  l’occasion de ce récit, j’ai découvert l’historique du Parc Chabrières que je ne connaissais pas. Merci internet ! Depuis 1872, la famille ARLES-CHABRIERES (Canal de SUEZ, Chemins de fer, école Centrale cf  historique en annexe) créa des écoles laïques technique, commerciale, d’abord pour garçons puis à partir de 1938 pour filles. En 1971 (j’étais en première et je me souviens bien de cet événement) il y eu la fusion en lycée Technique de Garçons et du lycée de jeunes filles.

Aujourd’hui, transfiguré par une restructuration de 2006 à 2011, la cité scolaire est un outil moderne adapté aux besoins du 21ème siècle.

Mes années lycée furent déterminantes par la qualité de l’enseignement, j’ai d’ailleurs gardé touts mes cours de philo que je ressors de temps en temps comme lorsque je suis retournée à la fac  à 50 ans !

Le passage  obligé quand on quittait le lycée avec Marianne, c’était un petit ou plus long arrêt chez elle. On traversait la cour de l’école maternelle où gambadaient quelques bambins au milieu des cris et on arrivait dans la salle à manger. On s’installait, Marianne sortait quelques agapes et nous attaquions ensemble le débroussaillage d’une version latine ou d’un sujet de philo. Selon la saison, on fermait la fenêtre pour ne pas être trop gênés par les cris montant de la cour mais c’était la voix forte de sa mère , dans la montée d’escalier qui parfois interrompait notre travail. Et c’était sans appel !

Elle avait besoin que Marianne vienne surveiller les quelques élèves qui attendaient encore leurs parents. Et elle ne se faisait pas prier. Evidemment, je l’accompagnais. Et c’est ainsi que me fut distillé, au cours de ces années, cette sensation agréable d’être à ma place. C’était très confus mais toutes ces sensations étaient agréablement mêlées.

Sortir d’un travail laborieux souvent, car c’était pour cela que je restais, pour que nous conjuguions nos efforts et nos capacités à attaquer par exemple « les fondements de la métaphysique des mœurs » de Kant !  Marianne, l’épicurienne sortait parfois des mets dont je n’avais pas l’habitude, et même pas connaissance comme un jambon de parme dont elle découpait avec délectation quelques tranches et même je me rappelle d’un verre de Cointreau qui devait nous éclaircir les neurones.

Sa mère était directrice d’école mais son père était PDG d’une grosse entreprise locale. Nous n’avions pas la même vie notamment pendant les vacances où elle allait soit aux sports d’hiver, soit au Lavandou. Ces mots étaient doux à entendre et je retrouvais à chaque fois une Marianne bronzée et épanouie. Nous avions deux vies différentes en dehors du lycée mais je pense que c’est ce qui a fait l’intérêt de notre relation et sa longévité. On avait toujours mille choses à se raconter, ce qui nous a valu quelques remontrances !!! Mais qu’avez-vous encore à vous raconter ?

De mon côté, les deux mois d’été, je travaillais dans divers endroits : magasins mais surtout administration qui ne retenaient que les étudiants qui travaillaient les deux mois. Le plaisir de partager de bons moments avec Marianne. La voilà plongée dans l’univers qu’elle adore, qu’elle attend avec impatience. Elle était dans son élément et je trouvais au fil du temps que c’était très agréable, d’être avec ces petits, tout petits avec leur spontanéité, leur sourire, leur joie de vivre si communicante. A genoux au milieu des jouets que nous devions rassemblés avant la fermeture, on jouait à la maîtresse.

Marianne n’était qu’en « stage ». Pour moi ça devenait de plus en plus évident ! Brevet en poche, nous avons  passé le concours d’entrée à l’Ecole Normale…et nous avons échoué…toutes les deux ! Là, je ne me souviens pas pourquoi Marianne n’a pas réussi car c’était une bonne élève, tout à fait capable d’intégrer l’Ecole Normale, puisque c’était son désir le plus cher.
Nous étions-nous concertées ? Je n’en ai aucun souvenir, mais les faits sont là. Nous sommes reparties en seconde au Lycée et nous avons récidivé…

Bac en poche, nous avons retenté le concours d’Entrée et ..nous avons échoué. Certes c’était un concours et les places étaient comptées mais ??? Après le Bac Marianne est entrée à la fac et a eu rapidement un remplacement. Sa carrière démarrait et elle devint ce pour quoi elle était faite : maîtresse puis directrice d’école maternelle.

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